jeudi 4 mars 2010

Services vitaux rendus par la nature (Agnès Sinaï)



"La valeur des services rendus par les écosystèmes est désormais l’argument clé pour rallier entreprises et Etats à des stratégies de développement qui anticipent la détérioration des ressources naturelles comme un manque à gagner pour les agents économiques. Dès 1997, l’économiste Robert Costanza et son équipe ont évalué à quelque 33.000 milliards de dollars par an (estimation minimale) la totalité des services rendus à l’humanité par les écosystèmes de la planète1.

Cette estimation démontre que la valeur du capital naturel est supérieure au PIB mondial annuel, de l’ordre de 18.000 milliards de dollars par an. Divisés par six milliards d’individus, ces 33.000 milliards offrent environ 5.500 dollars par personne et par an de services offerts par la nature.

Cela n’est pas cher pour ces services vitaux ''rendus'' par les écosystèmes, comme la régulation de la composition de l’atmosphère, du climat, de l’eau, la capacité de résilience, l’offre de ressources en eau, le contrôle de l’érosion, la formation des sols, le recyclage des nutriments, le traitement des déchets, la pollinisation, le contrôle biologique, l’habitat des espèces, la production de nourriture, de matériaux bruts, de ressources génétiques, de divertissement et de support de culture.

Selon M. Khosla, président de l'UICN, dans les cinq prochaines années, l’approche de la biodiversité devrait connaître une refonte totale (en regard de l'échec global de l'objectif 2010 : stopper l'érosion de la biodiversité). La sauvegarde des écosystèmes mobilisera de plus en plus les entités régionales et les pouvoirs décentralisés, en association avec les populations autochtones, qui possèdent une science citoyenne de la biodiversité.

(En effet) selon Robert Kasisi, de l’Ecole d’architecture du Paysage de Montréal, ''biodiversité est un terme qui ne passe pas dans le public. L’approche par la conservation ne tient pas compte de la diversité culturelle des visions du monde''. Comme l’écrivait l’anthropologue Philippe Descola, il y a bien une pluralité des intelligences de la nature. Pour l’éleveur, la forêt, c’est l’obstacle. Pour un Occidental, une table en bois est un objet de décoration. Pour une nomade du Sahel, elle sert à faire du bois de feu. La biodiversité ne se limite donc pas à un inventaire du nombre d’espèces présentes sur la Terre, mais désigne une pluralité d’usages. Ainsi les contes et les chansons Pygmées permettent de comprendre les relations avec la faune en République du Congo."

La valeur "morale" qu'on peut accorder à la préservation de la biodiversité n'empêche pas de prendre en compte aussi sa valeur de service rendu : "L'homme n'est ni ange ni bête" écrivait Pascal, "... et qui veut faire l'ange...". Nous ne vivons pas que de hautes spéculations éthique, il faut donc accepter d'agir à plusieurs niveaux.

« Penser globalement, agir localement » ne suffit plus, il faut aussi penser avec les ressources et représentations intellectuelles locales : par quelle entrée ? Qui s'y jette ?


Photo : http://www.photosapiens.com/IMG/artoff3882.jpg

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