lundi 8 mars 2010

Identité nationale ... et guerre (3)



L’identité française ? A la bataille de Valmy, le prince de Condé, Français « de souche » s’il en fût, était du côté prussien. Le nationaliste vénézuélien, Miranda, s’était engagé, lui, du côté du pays de la Révolution. Lequel, ce jour-là, était le plus Français ?
En 1870, Garibaldi, lui aussi, vint mettre son épée au service de la France. Il gagna même une petite bataille alors que le Français « de souche », Bazaine, livrait Metz aux Allemands. Le plus Français des deux ? Bazaine, répondit la droite qui invalida, comme étranger, Garibaldi élu député. En signe de solidarité, Victor Hugo démissionna. En mai 1915, le général Joffre lançait une grande offensive en Artois pour tenter de reconquérir le bassin minier. Echec total. Les vagues d’assaut se brisent sur une triple ligne de défense allemande. 200 000 tués pour rien. Un miracle cependant, un seul : une division du 33ème Corps, en une charge héroïque, irrésistible, drapeau au vent et au cri de « Vive la France ! », franchit tous les obstacles et s’empare de la colline de Vimy qui surplombe la ville de Lens.

Qui sont ces héros ? Les premiers qui tombent sous le feu ennemi s’appellent Ben Smail, Ben Faran ou Bellagh Amar. A leurs côtés, que la mitraille allemande va faucher à leur tour, qui trouve-t-on ? Des volontaires Américains, Espagnols, Canadiens, Italiens, mais aussi et surtout des Tchèques, membres d’associations démocratiques ou progressistes, venus s’engager au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, des mineurs polonais qui, dans un même élan, aspirent à la libération de leur autre patrie et de leur outil de travail, des Russes pour qui la défense de la République française participe de leur combat contre l’autocratisme tsariste. Tombent côte à côte, unis dans le même sacrifice, le brancardier belge Van Mengen, le Grec Théodoraxis, le peintre cubiste tchèque Kupka, le porte-drapeau morave Bezdicek, ou cet escroc polonais au nom imprononçable qui se faisait passer pour un prince. Parmi les survivants, le Suisse Blaise Cendrars qui deviendra le chroniqueur de cette épopée.
C’était cela, ce jour-là, la plus belle France.

Additionnez d’ailleurs l’Italien Lully, l’Allemand Gluck, les Italiens Spontini et Cherubini, le Belge Grétry, les juifs teutons Meyerbeer et surtout Offenbach, le Polonais Chopin, le Suisse Honegger, et vous avez reconstitué le creuset d’où jailli la grande musique française.
De certains peuples, on peut dire que leur religion, leur spécificité ethnique, leur langue, font leur identité. A la question « qu’est-ce qu’un Français ? », hors une Histoire commune, on ne peut quasiment pas répondre, et c’est précisément cette impossibilité qui fait notre identité nationale.
Dimanche 31 Janvier 2010
Jean-François Kahn (voir son blog)

Copyright (illustration) http://warandgame.files.wordpress.com/2008/08/valmy1792.jpg

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