jeudi 1 septembre 2011

Spinoza ?


"Spinoza énonce froidement l'impossibilité des conversions purement intellectuelles, tout comme celle des idées à avoir jamais quelque effet par elles-mêmes seulement. Il faut toute la cécité socio-centrique des demi-intellectuels qui, se vivant comme pourvoyeurs d' "idées", sont par là-même portés à croire que "les idées mènent le monde", pour ne pas voir que les idées pures ("en tant qu'elles sont une connaissance vraie") n'ont jamais rien mené, sauf à être accompagnées, et soutenues, d'affects qui seuls peuvent les doter de force, mais d'une force extrinsèque... C'est l'art qui dispose constitutivement de tous les moyens d'affecter, parce qu'il s'adresse d'abord aux corps, auxquels il propose immédiatement des affections : des images et des sons. " 

Frédéric Lordon ("Surréalisation de la crise", post-scriptum à "D'un retournement l'autre", 2011, Le Seuil).

Pièce de théâtre "jouant" la crise avec un beau dynamisme intellectuel et une joyeuse mise à distance par l'utilisation de l'alexandrin, "Surréalisation de la crise" n'en demeure pas moins, hélas, un produit intellectuel à destination des "belles personnes" qui partagent déjà les mêmes analyses, le vocabulaire, les concepts de référence. Mais la tentative est louable et mérite qu'on s'y arrête d'autant plus que l'auteur, très relayé sur Internet (260 vidéos en ligne), est brillant. La meilleure partie de la pièce concerne la crise de 2008. Hélas, tout a déjà été dit : l'épisode relaté à date d'aujourd'hui ressemble à une série de télé dont on a déjà vu les épisodes suivants... Mais pas la fin quand même ! Pour la suite (on y est) : le retournement de situation, les banques qui font des conséquences de leur sauvetage par les Etats la cause d'une nouvelle crise (trop de déficit !) est en effet savoureux. Mais déjà une faille se glisse : dans une volonté de simplification l'auteur écarte d'autres éléments de la crise qui agissent en parallèle (ou perpendiculaire !). Et surtout il propose une solution qui laisse coi : nationaliser (sous des formes subtiles "communalisation" peut-être, "socialisation" pourquoi pas) ! Certes les agents de l'Etat n'ont pas les mêmes "hubris" que ceux de la finance (encore que...) mais ils en ont d'autres, tout aussi ravageurs... A moins qu'il ne s'agisse de "l'idée pure" de la nationalisation, dépourvue d'affect ?

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