samedi 25 juin 2011

Notre-Dame des Hirondelles


"D'innombrables petits cris stridents sortaient de dessous son manteau. Elle en écarta les pans, et le moine Thérapion vit qu'elle portait dans les plis de sa robe des centaines de jeunes hirondelles. Elle ouvrit largement les bras, comme une femme en prière, et donna ainsi la volée aux oiseaux. Puis elle dit, et sa voix était claire comme le son d'une harpe : "Allez, mes enfants". Les hirondelles délivrées filèrent dans le ciel du soir, dessinant du bec et de l'aile d'indéchiffrables signes. Le vieillard et la jeune femme les suivirent un instant du regard, puis la voyageuse dit au solitaire : "Elles reviendront chaque année, et tu leur donneras asile dans mon église. Adieu, Thérapion." Et Marie s'en alla par le sentier qui ne menait nulle part, en femme à qui il importe peu que les chemins finissent, puisqu'elle sait le moyen de marcher dans le ciel. Le moine Thérapion descendit a village, et, le lendemain, quand il remonta célébrer la Messe, la grotte des Nymphes était tapissée de nids d'hirondelles. Elles revinrent chaque année ; elles allaient et venaient dans l'église, occupées à nourrir leurs petits ou à consolider leurs maisons d'argile, et souvent le moine Thérapion s'interrompait dans ses prières pour suivre avec attendrissement leurs amours et leurs jeux, car ce qui est interdit aux Nymphes est permis aux hirondelles."
Marguerite Yourcenar, Nouvelles orientales.
Ou comment la littérature remplit cette fonction essentielle à l'Homme de "ré-enchanter" le monde...
Sa nouvelle a fait l'objet d'une adaptation théâtrale par Le Petit Théâtre de Lausanne.

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